Compte-rendu de la rencontre du jeudi 28 juin 2011
– De l’enquête de besoin à l’autogestion, la participation des usagers à la vie de l’EPN peut être plus ou moins importante. Comme toujours lors de nos rencontres la parole sera donnée avant tout aux animateurs, deux expériences de terrain vous seront relatées, une campagne incitative à l’échelle d’une région sera l’objet d’une présentation.
Amaury Fruchard, président de l’association des Jeudis des EPN, présente le projet e-formation pour les animateurs multimédia et les modules réalisés. La présente rencontre s’inscrit dans la continuité de ce travail, celle-ci devant alimenter une fiche intitulée « Associer les usagers », à la réalisation de laquelle tous peuvent participer.
Irène Stehr, chargée des relations aux publics, présente la Gaîté Lyrique. Ouverte en mars dernier après six ans de travaux, cette structure devait dans un projet initial promouvoir « les arts numériques et les musiques actuelles ». Cet objectif, novateur en 2004, a été remis au goût du jour : la Gaîté Lyrique s’attache à la création à l’ère du numérique, une révolution des pratiques et des usages. Plus qu’une structure muséale, elle fonctionne davantage comme un centre d’art.
Amaury introduit la rencontre en rappelant la diversité des modes d’association des usagers. De la traditionnelle écoute des demandes et des envies des usagers, au comité d’usagers, à la co-administration, voire à l’auto-gestion, les formes dépendent notamment des tutelles des structures.
L’Espace 19, qui existe depuis 2003, fait partie des EPN qui sont reliés à des centres sociaux. L’association existe depuis une trentaine d’années. Par souci d’homogénéité notamment, l’espace a repris le mode de fonctionnement des centres sociaux, et associé les usagers. Dans les centres sociaux dont la devise est « par et pour les habitants », des Comités locaux d’animation sont organisés (CLA) par les habitants.
Les membres du CLA sont élus parmi des usagers ou salariés pour 2 ans. Les élections sont assez formelles avec liste, isoloir et urne. Il y a 20 à 30 votants environ (pour 200 adhérents).
La structure a confié un budget au CLA qu’il gère en direct et qui sert lors d’évènements. Un délégué du CLA est présent au Conseil d’administration du Centre social. Cela donne un certain poids.
Le CLA permet de faire des remontées d’informations des usagers et de renforcer le lien avec eux. Le CLA se réunit mensuellement. Il y est discuté notamment le projet d’animation à l’année, et le choix de son thème. Mais les questions administratives sont aussi abordées, sans que les salariés de la structure ne soient tout puissants par rapport aux bénévoles ou aux adhérents.
Le CLA a largement aidé à la réflexion sur des ateliers autour du Web 2.0, qui a débouché par une formation animée par un membre du CLA. Le CLA a aussi un vivier de bénévoles pour aider à l’organisation des évènements. Le CLA a également demandé un recadrage dans la proportion des ateliers d’initiation et de perfectionnement.
Questions qui se posent : comment impliquer les usagers ? S’il viennent plutôt pour faire plaisir à l’animateur, ça n’induit pas d’implication et de responsabilité.
L’animateur présente un ordre du jour inachevé pour laisser la place aux participants.
Malgré l’appel au vote de tous les adhérents, le CLA est peu identifié, les adhérents ne savent pas toujours à quoi il sert. Les gens n’ont pas forcément « envie » de cette liberté, mais reviennent en cas de récrimination, et les animateurs les orientent alors vers le CLA. L’adhésion est le début d’un engagement.
Q : les adhérents sont-ils identifiés ?
R : Oui. On parle bien d’adhérents, pas d’usagers. C’est une adhésion à un projet social, à des thématiques.
Q : Combien de votants ?
R : Cela varie selon les centres. On peut compter entre 20 et 30 votants qui sont bien informés.
Q : Cela donne-t-il un quitus sur l’année ?
R : Nous tentons d’être formels mais pas rigides. Les trois centres et l’EPN se réunissent tous les ans. Comme nous ne sommes pas localisés au même endroit, cette rencontre permet de réaffirmer les liens possibles (accompagnement scolaire, ASL...) et de montrer que nous ne sommes pas « un cyber-café pas cher ». Le CLA nous donne du poids par rapport au conseil d’administration.
Q : Vous n’êtes pas en manque d’adhérents ?
R :Nous avons surtout besoin que l’association soit plus clairement identifiée, comme des missions telles que les cours d’informatique, et l’accompagnement à la scolarité, les cours de français langues étrangères... Le CLA permet aussi de rappeler ces missions.
Q : As-tu des exemples de choses qui ne sont pas faites par du fait de la présence du CLA et inversement ?
R : La réflexion commune au sein du CLA sur le web 2.0 et des outils comme Dropbox ou Netvibes a permis de mettre en place des ateliers. Un membre du CLA s’est formé sur ces outils et assure les animations. Les portes ouvertes sont plus plus faciles à mettre en place avec le soutien du CLA. Quant aux projets qui n’ont pu voir le jour, ce sont des projets annexes qui ont été abandonnés par la nécessité de recentrer les activités sur la base.
Remarque d’Amaury : au final, ces considérations sur l’association des usagers rejoignent d’autres thèmes tels que la communication ou les partenariats dans les EPN. Dans un BIJ où l’anonymat est la règle de base il peut être difficile d’appliquer le mode d’association des usagers qu’on vient de voir.
L’EPN de Ducey (1000 habitants), créé en 2009, est porté par une association, Manche Numérique, dans une communauté de 11 communes en milieu rural.
Avant la création de l’EPN, une équipe de bénévoles proposait des ateliers dans les communes des environs de Ducey.
Lors de l’ouverture en 2009, une série de journées portes-ouvertes, avec le déplacement du parc mobile de Manche numérique dans différentes communes, a permis de recueillir les besoins des habitants.
Faire des EPN mobiles a été un choix : 7 ordinateurs, un vidéo-projecteur. Des ateliers ont lieu dans deux autres communes voisines de Ducey, dans une salle prêtée par la mairie, un jour par semaine dans une commune.
Une partie des activités repose sur des bénévoles (6 à 10) qui gèrent parfois de manière autonomes des antennes de l’EPN. L’animatrice organise avec ces bénévoles quelques réunions par an pour organiser les ateliers et préparer les évènements comme la Fête de l’Internet, avec un choix de faire participer les gens.
Q : Y a-t-il beaucoup de monde ?
R : 6 postes installés toute la journée sont disponibles, et les ateliers ont lieu le matin et l’après-midi.
Q : Combien de communes sont concernées ?
R : Trois.
Q : Vous ne circulez pas, est-ce lié à un problème de connexion ?
R : Dans les salles qui nous sont prêtées on utilise le wifi de la mairie.
Q : Associer les usagers, était-ce une volonté ?
R : Oui, dès le départ. Une mairie voulait faire des ateliers et nous avons monté l’association.
Q : y a-t-il un groupe constitué, de bénévoles, d’usagers ?
R : Ce sont des bénévoles très actifs, qui deviennent autonomes pour les ateliers qu’ils font sur la commune.
Q : L’association n’a-t-elle pas la sensation d’être remise en cause ? Une association doit rendre des comptes, n’est-on pas en droit de se demander pourquoi ces personnes n’intègrent pas l’association ? Qu’apporte cette structure (qui ne porte pas de nom) ?
R : Ce sont des personnes “du coin”, qui ont une proximité avec les usagers et qui font vivre l’EPN avec leurs moyens.
Q : Si on retire les bénévoles, l’EPN fonctionne-t-il toujours ?
R : Oui, mais on ne peut pas être partout...
Q : Comment cela se passe-t-il concrètement ?
R : Il y a réunion, les bénévoles font leurs ateliers et je viens voir. Ce sont essentiellement des initiations qui reviennent. On se réunit pour la préparation des événements.
Q : Comment validez-vous la qualification des bénévoles ? Depuis 2009, vous tournez avec les mêmes ateliers et les mêmes bénévoles ?
R : Oui.
Q : Quels sont vos publics ?
R : Essentiellement des retraités, quelques demandeurs d’emploi. En juillet, les enfants du centre de loisirs du canton.
Q : Les horaires ?
R : Pas le soir, mais plutôt le matin, ou l’après-midi. Il y a certains ateliers spécifiques le soir pour toucher les actifs (sur la création de blogs par exemple).
Q : Comment sont répartis les personnes sur les structures ?
R : Des bénévoles viennent parfois aider dans la structure fixe. Certains restent sur leur commune.
Manche numérique est un syndicat mixte avec une compétence d’aménagement du territoire. Son action comporte plusieurs volets, dont :
Véronique Bidan en tant que chef de projet EPN coordonne 45 EPN.
La région Basse-Normandie a imposé dans son appel à projet l’organisation de comités de pilotages (Copils), au moins une fois par an.
Un programme de Manche numérique accompagne la mise en place des comités de pilotage dans les EPN. Il s’agit d’abord d’informer les animateurs sur ce qu’est un comité de pilotage. Il propose un guide pour leur mise en place et leur animation.
Initialement issu du monde de l’entreprise, le comité de pilotage suppose l’existence d’un projet, dont il vise à assurer le bon déroulement. Cela nécessite par conséquent un partage de l’information puis une évaluation des actions. Les Copils participent à la définition des orientations et peuvent être force de proposition.
Ils sont composés d’une dizaine de membres dont quelques élus locaux, garants des axes de la politique locale, ce qui accroît sa légitimité. Le bureau de l’association fait également partie de la composition des Copils et veille à la conformité du projet avec le projet de l’association. Des usagers sont également présents, afin d’exprimer leur avis à titre individuel, à moins qu’ils n’aient été désignés par l’ensemble des usagers pour les représenter.
Les Copils peuvent avoir un rôle consultatif (peu intéressant) ou décisionnel. Dans le second cas, il faut avoir consulté les élus, énoncer les modalités de prise de décisions et faire de la pédagogie auprès des intervenants. Il est important de souligner qu’un Copil n’est ni un simple bilan, ni une réunion d’équipe, ni une réunion d’élus. Dans l’idéal, les Copils se réunissent une à deux fois par an, car ce sont de grosses réunions à organiser qui engagent souvent entre sept à dix personnes. Il est possible de faire des Copils plus restreints en plus.
Pour son fonctionnement, les Copils ont une charte de fonctionnement du groupe qui assure l’adhésion de tous aux règles communes (horaires, repect du temps de parole...). Les réunions sont préparées en conséquence, avec une information accessible à tous et présentée en amont pour que chacun puisse participer pleinement lors de la réunion. La disposition des lieux doit favoriser la participation. En principe, un tiers du temps est consacré au passé et deux tiers à l’avenir afin d’éviter de transformer la réunion en simple bilan. Pour un bon fonctionnement, il faut une gestion du temps de parole, une méthode d’animation adaptée. L’animateur du Copil ne devrait pas être l’animateur de l’EPN concerné, qui doit plutôt être là en tant que technicien.
Problèmes rencontrés :
Bonnes idées :
Le guide de mise en place d’un comité de pilotage dans un EPN est disponible en ligne :
http://www.manchenumerique.fr/content/download/13805/204333/file/guide_copil_EPN.pdf
Q : Comment favoriser la participation des usagers ?
R : Il y a souvent des créneaux consacrés aux enfants, aux adolescents, aux adultes... Il faut créer des espaces vides, des accueils informels, des plages d’activités pas forcément définies dès le départ.
Loïc Dayot (responsable du service Technologies de l’information et de la communication à Joinville-le-Pont), ancien chargé de mission à la ville de Pierrefitte, insiste sur l’importance du comité d’usagers. Dans l’exemple de l’Arobase, EPN de Pierrefitte, le comité d’usagers s’était auto-convoqué pour demander la réouverture de l’espace et ont obtenu gain de cause par leur mobilisation. Il insiste sur la difficulté de motiver les adhérents sur les questions de budget, dont les sommes importantes ne leur évoquent rien.
Magali Vacherot, secrétaire des Jeudis des EPN et ancienne animatrice à l’Arobase de Pierrefitte, insiste sur l’intérêt de nombreux usagers ) prendre part au comité d’usagers pour sa dimension sociale : on aime à être ensemble et faire des choses ensemble.
Notre grand témoin retrouve dans les présentations la question de la démocratie locale et de l’usage des TIC pour accroître la participation des usagers à la vie de leur territoire. On rencontre le même type de préoccupations pour les comités de quartier, les commissions, etc. Ce que font les animateurs relève de la démocratie locale, de l’enrichissement d’un patrimoine de connaissances qui permet aux gens de mieux vivre grâce aux outils numériques. Comment moderniser la démocratie locale ? Par l’expertise, des réunions publiques, des conseils de quartier, dans les zones rurales. Par une expérience de terrain.
On ne peut pas reprocher aux usagers d’être des consommateurs, c’est la vie aujourd’hui. Les seuls qui ne soient pas dans ce modèle sont des militants politiques. Puisqu’on ne peut aller contre, mieux vaut faire avec.
On constate que les EPN ne connaissent pas de crise de fréquentation : cela signifie qu’ils viennent y chercher quelque chose. Une approche possible est celle du bénéfice que vont tirer les usagers qui s’impliquent. Et une première difficulté : il faut partager le pouvoir, pas seulement à la marge en consultant les usagers sur des détails plutôt que sur ce qui est important. Malheureusement, les animateurs eux-mêmes n’ont pas beaucoup de pouvoir, comment alors le partager ?
Il faut identifier ce dont les usagers ont besoin. Ils viennent dans les EPN pour la sociabilité, trouver du lien social, être ensemble ; le leur faire réaliser, c’est presque gagné si en plus un espace de contribution est ouvert. Réaliser une étude (sur le public, ses besoins, le détournement qu’il fait des services) est une bonne occasion de découvrir les volontaires potentiels.
Il est difficile « d’obliger » les usagers participer à chaque réunion. Mieux vaut ne pas fixer d’exigence. Pour cette raison Florence Durand s’interroge sur les comités de pilotage d’un service déjà structuré dont le but est de mener la structure. Elle propose de bien distinguer ce qui est de l’ordre du pilotage (mener le service, structuré, organisé) et la relation aux usagers (connaître les publics, étudier les détournements des services pour penser la création d’éventuels autres services).
Se pose aussi la question de la disponibilité des usagers, fluctuante selon les temps de vie de chacun. Un comité de pilotage est professionnel et on ne peut exiger des usagers qu’ils soient professionnels, car ce n’est pas leur rôle dans un service public.
N’y a-t-il pas un paradoxe à ouvrir la discussion avec les usagers alors que ce qu’ils veulent vient à l’encontre du projet de la structure ? Au contraire, si le projet est bien affiché, le dialogue devient constructif et évite les frustrations.
Dans la structure culturelle Canal 93, les bénévoles, « key users », ont un rôle de passeur pour faire venir le public, et ça marche. Amaury considère que le recours aux bénévoles fonctionne surtout sur des projets ciblés.
On constate souvent que les EPN ont du mal à dire ce qu’ils proposent/produisent au public. Sachant le projet de l’EPN bien décrit, il n’est pas difficile de dire quelle place est faite pour les propositions des usagers. En revanche, on ne peut pas répondre aux demandes individuelles, mais seulement collectives, par conséquent, les animateurs invitent les usagers à s’organiser en comités. Florence Durand conclut qu’au final, le rôle d’un comité de pilotage est peut-être de préciser le projet-objet de la structure, de permettre à l’usager de trouver sa place, et de déterminer quand il devient « utilisacteur ».