L'animation d'ateliers


Compte-rendu de la rencontre du jeudi 29 avril 2010

Jean-Luc Raymond consultant travaillant actuellement pour la Délégation aux Usages de l’Internet (DUI), présente l’association des Jeudis des Espaces Publics Numériques dont il est co-fondateur. Il présente l’historique de l’association, et la place de celle-ci dans le paysage d’Ile de France.. Il présente également les missions de la DUI qui coordonne la politique d’espaces publics numériques, et deux de ses projets, les portails NetPublic et NetEmploi qui seront bientôt ouverts à tous, avec des ressources pédagogiques, des forums, montrant des initiatives dans toute la France.

Cette rencontre, la deuxième (une première, sur le programme d’activités, a eu lieu le 19 avril au Relais 59 à Paris) s’inscrit dans un cycle intitulé « Bien gérer son EPN » et composé de huit rencontres couvrant les principaux aspects de la gestion d’un EPN. Ce cycle intervient dans le cadre d’un projet de e-formation des animateurs multimédia, soutenu par la DUI. Le huit thèmes retenus :

 Comment préparer un programme d’activités ?
 Comment animer au mieux ses ateliers ?
 Comment organiser l’accueil des usagers ?
 Tout est-il permis dans mon espace ?
 Comment associer les usagers à la vie d’un EPN ?
 Comment évaluer les actions de l’EPN ?
 Comment valoriser les actions de son EPN ?

Une fiche thématique sera réalisée sur le thème, alimentée par les retours d’expérience. Tous sont invités à participer à l’enrichissement du module au-delà de la rencontre.

L’animation multimédia revêt de multiples facettes selon l’âge du public touché, les objectifs (loisirs, nécessité de formation pour réinsertion professionnelle...), et même la structuration de l’espace. Suivant ces paramètres, l’animation et en particulier l’animation d’ateliers ne présentera pas le même angle d’attaque, d’où plus que jamais la nécessité du partage d’expériences issues du terrain.

Cécile Pomarel (responsable multimédia à la médiathèque-ludothèque de Bonneuil-sur-Marne), souffrante, est remplacée par la directrice de la médiathèque, Agnès de Toffoli pour la présentation de la médiathèque, qui a dix ans, alors que le développement multimédia n’avait pas été prévu. Elle présente l’équipe, Véronique Blais (animatrice multimédia secteur jeunesse) et Guillaume Ruffat (animateur multimédia secteur adultes), qui travaillent avec Cécile Pomarel.

Association Valmedia est également présentée. Existant depuis presque vingt ans, c’est un réseau d’une quarantaine de bibliothèques (36 bibliothèques adhérentes) sur le Val de Marne, soit une quarantaine de communes. Une personne du conseil d’administration : 36 bibliothèques, association reposant sur le bénévolat. Elle organise des journées d’étude sur différents thèmes (notamment sur l’accueil des publics), des fascicules (dont une sélection de lectures pour adolescents), de la mutualisation de moyens (par exemple, subvention d’une partie des frais d’un spectacle, le reste étant couvert par la bibliothèque). Leur site : www.valmedia94.fr

Quelques retours d’expérience sur l’animation d’ateliers

Aurélie Genay - Médiathèque d’Alfortville : Tournoi inter-médiathèques autour du jeu Dofus

Aurélie travaille en section adulte, n’est pas animatrice multimédia, mais en fait à 75% de son temps. Pas d’ateliers multimédia pour enfants (sauf interventions extérieures ponctuelles), mais pour adultes (5-6 par mois), plus accueil spécifique hors horaires d’ouverture pour la recherche d’emploi, et accueil dans horaires.
Problématique spécifique : l’offre multimédia pour les enfants est moins développée que celle pour les adultes, et ils utilisent l’espace de manière solitaire. Leurs activités sont rarement scolaires ou socio-éducatives. Les CD ROM ne sont pas exploités sauf ceux pour les tout-petits (2-6 ans).

Une rupture : les enfants sont là mais il faut rétablir le lien, un lien productif. 15 postes pour l’accès, répartis en deux espaces : un pour les jeunes (9 ordis) et pour les adultes (6 ordis). L’accès internet est libre. Il y a un accès WIFI.
Ce que les enfants demandent : achat de jeux et prêt, ou installation de jeux sur les postes. Réponse institutionnelle à la demande : un jeu choisi selon la classification PEGI (pour toucher les 8-15 ans, public contraint), selon la pratique des jeunes (recueil de propositions, popularité), selon le genre (pour que les filles participent aussi, donc pas de jeu de foot...). Eviter la violence (d’où refus de WOW). Choix d’une technicité légère (installation, maintenance par le service informatique qui n’est pas sur place : donc jeu en ligne et pas CD ROM). Questionnement : quel peut être l’apport de la médiathèque aux enfants qui viennent jouer ?

Le choix s’est porté sur Dofus : esthétique, pas violent, convivial, ouvrant sur la stratégie, l’entraide (on ne peut tout faire tout seul dans le jeu) et la réflexion. Des objectifs à remplir, des quêtes, avec un univers à intégrer. Il y a une forte dimension communautaire.
Dofus est un jeu très populaire : 23 millions de joueurs actuellement. Il a obtenu un prix du meilleur jeu au Flash Festival à Paris en 2004. Dofus, c’est aussi des mangas, des BD, un magazine : des passerelles sont possibles du jeu vers d’autres supports. Cette animation a impliqué de la part de la médiathèque l’achat de livres, manga, vidéos afin d’enrichir l’animation Dofus et d’éveiller l’intérêt des participants au fonds de la médiathèque.

Un projet pilote : Franck Queyraud et la médiathèque de Saint-Raphaël. Un réseau qui a essaimé dans le Sud : Martigues, Montpellier, Teyran, Saint Jean Védas. En région parisienne : Alfortville a lancé son projet en association avec Boissy Saint Léger car il n’était techniquement pas possible de rejoindre le réseau lancé par Saint-Raphaël (serveur de jeu complet).

MMORPG : jeu vidéo associant le jeu de rôle et jeu en ligne, massivement multijoueur, permettant l’interaction entre joueurs dans un monde persistant Il repose sur un univers de style heroic fantasy en 2d et 3d, où l’on incarne un personnage.
Ce jeu permet :
 de faire des combats au tour par tour
 d’exercer un métier
 de réaliser des quêtes,
 de combattre en équipe,
 d’intégrer ou de créer une guilde,
 de créer ses propres équipements
 de communiquer avec les autres joueurs.

Ankama (éditeur du jeu) propose deux formules, un accès gratuit limité (5% du jeu) et un abonnement qui ouvre la totalité du jeu. Pour jouer, il faut s’inscrire sur le site, créer un compte et télécharger le fichier d’installation.

Convaincre les joueurs : Pour attirer les joueurs, on a posé un challenge : battre Boissy. Quelques récompenses étaient disponibles (des goodies fournies par Ankama). Des tournois ont été prévus. Le projet a été validé par les élus du réseau. Un partenariat tacite s’est instauré entre les deux communes, et une convention a été signée avec Ankama.

Déroulement du jeu : entraînement (à raison d’une heure par jour pendant les ouvertures au public) et tournois proprement dits tous les 2 mois. Les entraînements leur permettent de prendre connaissance du règlement, de pratiquer et comprendre le fonctionnement du jeu et de faire progresser leur personnage. Ce sont les enfants qui établissent la stratégie (certains jeunes deviennent ainsi tuteurs de groupes). Le prochain tournoi aura lieu en juin pour clôturer l’année ; il sera décisif, la ville gagnante étant déclarée gagnante pour l’ensemble de l’année. Il y aura également la délivrance à cette occasion de diplômes, dont le prix d’ « honneur » mettant en valeur le sens du partage et de l’entraide.

Concrètement, la mise en oeuvre du projet : 4 collègues piliers pour encadrer et animer, toute l’année lors des temps forts. Mais tous les animateurs des médiathèques devaient être capables de répondre aux jeunes. Dofus installé sur 8 postes (attention à la cohabitation avec le reste du public). Une médiation quasi permanente avec les joueurs et les autres collègues (bruit, gestion de postes...).

Faits divers : gestion du bruit... Les files d’attentes des ordinateurs ont augmenté depuis la mise en place du projet. Aucun flyer nécessaire pour cette animation : les enfants ont fait la pub eux-mêmes dans la cour de l’école. Parmi les challenges, défier les animateurs (obligatoire). Les enfants sont restés bas niveau à la médiathèque, respectant l’interdiction posée par les animateurs de faire progresser son personnage à la maison (ce qui aurait faussé les tournois) alors qu’ils faisaient progresser leurs propres personnages à la maison.

Bilan de l ’initiative : Un engouement immédiat chez les jeunes, avec 28 inscrits la première semaine, 163 enfants inscrits à Dofus en avril 2010 (70% de joueurs actifs). Une hausse des inscriptions a été enregistrée : 50% des joueurs ne fréquentaient pas ou plus la médiathèque. Pour l’équipe, création d’une dynamique forte.
Perspectives : 19 juin 14h, tournoi. L’initiative est ouverte à tous les EPN.
La grande question qui se posait : les jeunes vont-ils venir jouer à la médiathèque s’ils jouent déjà à la maison ? Pari gagné : ils sont venus jouer, ensemble. Cette initiative a permis d’ouvrir vers d’autres univers, le Seigneur des Anneaux, etc... et de mettre en valeurs le fonds de la médiathèque.

Question : Les guildes de joueurs ont souvent un forum pour afficher leurs informations, leurs sorties... Dans une perspective de développement de la communauté avez-vous mis en place des forums ? Réponse : la première année était une année de tests, il fallait savoir ce qui était viable. L’année prochaine, ils réfléchissent à créer une guilde pour les joueurs.

Question : Autant de garçons que de filles ? Réponse : essentiellement des garçons, à 80% (mais ça tient aussi au fait que globalement ce sont des garçons qui jouent à Dofus). Ils réfléchissent à mettre en place une animation spéciale pour les filles.

Question : Est-ce que ça a ramené des inscrits ? Les enfants devaient s’inscrire (gratuit), et ils se sont mis à emprunter (d’abord des films et des CD). Avec l’alimentation du fonds de manga, les emprunts ont augmenté.

Question : est-ce que le jeu de rôle présent dans Dofus a pu ouvrir sur des ateliers d’écriture ? Réponse : on a le souci d’intégrer l’animation dans autre chose.

Question : qu’est-ce que le partenariat représente en termes de budget ? Réponse : la partie gratuite. La charte de l’initiative interdit d’abonner le personnage de la médiathèque (les enfants ont respecté cet interdit). Ce partenariat a permis l’utilisation du nom Dofus, du logo, des comptes ont été fournis par Ankama sur le même serveur. Des goodies fournis (badges, posters...).

Hamid Le Fleurier, mairie de Pierrefitte-sur-Seine : ateliers recherche d’emploi

Hamid le Fleurier travaille au service informatique de Pierrefitte-sur-Seine, et a assumé plusieurs années la responsabilité de l’Arobase, espace public multimédia.

La spécificité de l’Arobase est plutôt la formation, l’appropriation des technologies de l’information par le public. Deuxième spécificité : c’est un centre-ressource qui vise à permettre à des partenaires locaux de développer des projets multimédia. Ressources humaines variables de 2 à 3 personnes selon les années. Compétences : plutôt techniques, de développement multimédia, de maintenance informatique, de gestion de projets et de pédagogie.

La problématique de l’emploi est omniprésente, la situation géographique de Pierrefitte et la conjoncture économique renforcent la nécessité d’y réfléchir. En moyenne, entre 2004 et 2009, presque la moitié des gens étaient demandeurs d’emploi au moment de leur inscription : d’où une demande spécifique à laquelle on ne pouvait répondre que partiellement.

Quels besoins ? Les compétences TIC pour faire une recherche d’emploi, mais aussi un accompagnement. Difficultés : 1) manque de coordination et de cohésion entre les différents acteurs sociaux : les animateurs multimédia peuvent 2) Manque de suivi dans le processus de recherche d’emploi, que l’on n’ait pas à rebondir d’une structure à l’autre et refaire ce qu’on a déjà fait dans d’autres structures, ce qui génère de la frustration et la sensation de ne pas avoir été entendu.

Les partenaires locaux : Pôle Emploi, la Maison de l’Emploi et de l’Economie qui se restructure suivant les avancées législatives comme le projet Borloo qui demande le regroupement dans un même espace notamment d’une maison de l’emploi et de pépinières d’entreprises (projet qui évolue), d’une Mission locale pour les 16-25 ans et d’associations et institutions qui oeuvrent dans le domaine de la création d’entreprise.

Quelques années d’activités d’accompagnement à l’emploi : Rapidement bonne entente avec ANPE, l’agence étant pilote dans la mise à disposition d’ordinateurs, qui a compris l’apport de l’Arobase en termes de formation à l’outil et de mise à disposition d’ordinateurs. L’Arobase s’est rapprochée de la Maison de l’Emploi et de l’Economie depuis 2004 : en 2004 2 ateliers de création CV et lettre de motivation. L’Arobase a donné les clés des ateliers aux gens avec quelques éléments de pédagogie. Bilan : les demandeurs cherchent les annonces de manière indépendante, et les ateliers CV et LM répondaient à une demande ponctuelle : les propositions étaient inadaptées.

En 2005 : test d’une formule plus ouverte. L’Arobase est plus sollicitée, pour 3 mois de pilote. Des agents de la M2E font de l’accompagnement à la recherche d’emploi. Scénario-catastrophe : personnes très nombreuses, pas connues, aux besoins mal évalués, et avec un roulement de personnes...
En 2006 : rien n’est fait. On retient les enseignements et préconisations : l’accueil et l’orientation du public partagé et coordonné. La question du coût a été abordée ainsi que les horaires spécifiques. Nécessité de la délimitation de parcours d’emploi avec des complémentarités entre structures. Il est ressorti que l’accompagnement à l’emploi dans l’espace multimédia nécessite des spécialistes présents, même ponctuellement dans l’espace.
En 2007 : un projet expérimental est lancé avec ODT Formation. Il prend en compte les préconisations en termes d’orientation, délimitation de parcours et accompagnement à l’emploi (à la fois collectif et individuel). Ce projet s’étend sur quelques mois, tous les 15 jours, rencontres collectives, avec des échanges, et à cette occasion préconisations sur le travail individuel pour les prochains 15 jours. Des entretiens individuels. Il a été réfléchi sur la notion de « parcours », ce qui fait que quelqu’un est prêt à se lancer dans sa recherche une fois qu’il a réfléchi à ses compétences et ses objectifs.

Bilan : résultat riche, non seulement parce que certaines personnes ont retrouvé du travail mais aussi du point de vue notamment humain, qui a brisé l’isolement. Le projet était expérimental et s’est terminé. En 2009, la situation évolue. Le plan Borloo a demandé que les maisons de l’Emploi et de l’Economie se regroupent avec d’autres acteurs économiques à l’échelle locale, mais aussi qu’ils se dotent d’un parc informatique à destination du public pour la recherche d’emploi. A Pierrefitte, orientation dans cette direction mais l’ouverture devait être faite dans un an et demi. Dans cette durée, la collaboration avec l’Arobase a repris, avec une convention. Les locaux ont été mis à disposition pour les activités de recherche d’emploi par l’Arobase. Une animatrice spécialisée de Cyberbase emploi a été mise à disposition pour travailler dans l’espace pendant 4 jours par semaine et a fait la coordination entre les deux structures. L’activité de formation a été maintenue à l’Arobase, avec accueil gratuit pour les demandeurs d’emploi (pour leurs activités de recherche d’emploi et de formation informatique nécessaire à la recherche d’emploi). Le mardi a été consacré à la recherche d’emploi. La M2E a également participé financièrement au fonctionnement de l’Arobase dans cette durée. La coordination des deux espaces via l’animatrice a permis d’anticiper la préparation des demandeurs d’emploi.

En 2010 : fin du projet car les locaux vont ouvrir, l’animatrice va repartir. L’impact fut significatif car les inscrits au titre de demandeur d’emploi ont doublé, débordant sur d’autres activités. On avait un déficit de femmes et de 20-30 ans à l’Arobase avant ce projet ; aujourd’hui le public est plus conforme au paysage démographique de Pierrefitte.

Des questions se posent aujourd’hui : comment maintenir la qualité de service à destination des demandeurs d’emploi et la coordination qu’elle nécessite ?

Le fichier de la présentation : arobase_emploi_2010.pdf

Question de Jean-Luc : les pratiques et le marché de l’emploi changent. Comment avez-vous fait face à la crise ? Et comment faites-vous pour vous tenir au courant des nouvelles méthodologies de recherche d’emploi (investissement dans les réseaux sociaux...) ? Réponse : entre l’approche de l’Arobase (approche technique, accompagnement de projets) et la réponse institutionnelle, il y a eu un choc des cultures. La communauté d’agglo a décidé de rejoindre le réseau Cyberbase, soutenu par la Caisse des Dépôts, avec des ressources sur la formation informatique voire la recherche d’emploi. Ces ressources pré-calibrées n’étaient pas forcément adaptées aux besoins notamment en raison de l’évolution du terrain. La personne de la Cyberbase a dû acquérir avec l’Arobase des notions de terrain, car les éléments pré-calibrés, ponctuels, n’offrent pas la possibilité d’un suivi dans le temps. La solution : des événements ponctuels, avec des ateliers répétitifs du type point sur les annonces et lettres de motivation adaptées. Mais il a fallu faire un compromis entre les deux approches.

Remarque de Jonathan Landemard (animateur multimédia au Centre d’Information et de Documentation Jeunesse) : ça dépend aussi de la typologie du public. Parfois le questionnement sur les réseaux sociaux est hors propos car il y a des personnes qui n’ont pas cette culture, mais on peut les initier.

Question : Comment vous y êtes-vous pris par rapport aux différences de niveaux à l’intérieur du public demandeur d’emploi ? Réponse : On sait former les gens techniquement. C’est là que la notion de parcours est importante. Avant que quelqu’un vienne faire de la recherche d’emploi, il faut qu’il sache gérer du texte, chercher des informations sur Internet, communiquer, et avoir une réflexion avec un spécialiste de la recherche d’emploi sur ses orientations, sur le contenu du CV. Il faut expliquer aux personnes comment on va les former pour qu’elles soient opérationnelles.

Remarque : on est au bout de la chaîne en tant qu’animateurs et que cette situation est difficile à gérer. Jonathan souligne que la singularité du métier d’animateur est que ce sont des personnes locales. La question de la communication, et de la sensation d’urgence.

Remarque d’une personne stagiaire à la médiathèque d’Alfortville originaire de l’AFPA : sur un territoire le monde pense qu’il a la légitimité pour faire de l’insertion : la région, le conseil général, la ville, la mission locale, Pôle Emploi qui sous-traite ou fait lui-même des ateliers de recherche d’emploi sur 3 mois, rédaction de CV et travail sur le projet pro avec des pros de l’emploi... Tout ça a explosé du fait de la crise et de la saturation de Pôle Emploi et du coup il y a des multiples interlocuteurs. Les gens ne savent vers qui se tourner et en bout de chaîne les animateurs aux compétences informatiques réorientent vers des professionnels de l’insertion qui sont débordés. Le problème est la multitude et le manque de coordination.

Remarque : A Alfortville, le Pôle emploi (2 accès internet, pas d’imprimante) est très proche de la médiathèque et cette proximité a engendré des tensions. Ils soulignent qu’ils n’ont pas de compétences pour le contenu des CV et lettres de motivation, et ils ont pris contact avec des associations pour l’emploi sur la communauté d’agglomération. La médiathèque a commencé à faire des accueils spécifiques pour ces publics.

Question : quel est le plus efficace en matière de recherche d’emploi, l’accompagnement individuel ou collectif ? Aux réserves de certains participants sur l’efficacité de l’accompagnement collectif, Hamid oppose la vertu décloisonnante de cet accompagnement. Il faut multiplier les partenariats, cultiver une relation de moyen terme et décloisonner les approches.

Question de Jean-Luc : Dans les médiathèques-bibliothèques, y a-t-il eu des actions de mise en relation entre l’outil informatique et les fonds documentaires. Réponse d’Aurélie : A Bonneuil-sur-Marne (une population assez défavorisée sur la ville) un fonds d’imprimés emploi-formation, et c’est celui qui sort le plus, mais ce fonds n’est pas au même endroit que les ordinateurs. Il y a des animations, comme le PIJ qui vient faire des ateliers CV, mais ça se fait pas facilement.

Remarque : A la médiathèque de Choisy-le-Roi il y a un fonds formation emploi qui est au même endroit que les postes multimédia dans la salle de lecture, et on tente de faire le lien. L’animatrice a rencontré la responsable de l’agence locale de Pôle Emploi qui lui a affirmé que les ateliers recherche d’emploi étaient en place et sous-utilisés. L’animatrice veut mettre en valeur son fonds sans alimenter la confusion des rôles et se transformer en conseillère emploi

Remarque d’Aurélie : lourdeur de l’accompagnement à l’emploi dans l’urgence, pas forcément efficace, et qui rend souvent l’animateur indisponible pour le reste du public.
Remarque : l’un des intérêts d’un partenariat avec Pôle Emploi est que les actions préconisées par l’EPN (ateliers...) prennent plus d’importance aux yeux des demandeurs d’emploi.

Remarque de Jean-Luc : Au Plessis-Trévise, des ateliers recherche emploi (qui ont pérennisé l’espace) ont été mis en place au début des années 2000 avec une demande de méthodologie emploi. L’ANPE est venue voir trois ans après comment ils étaient faits, mais ça marchait spécialement parce que ce n’était pas l’ANPE, parce que c’est un lieu d’accueil, parce qu’ils travaillaient avec la structure d’emploi de la ville. Une dynamique de libre parole et de confiance s’était mise en place.
Il faudrait échanger plus via Valmedia car beaucoup d’initiatives sont mises en place dans les bibliothèques et qui ont une expertise sur le sujet.
Beaucoup de gens participant à ces ateliers n’étaient pas inscrits à la médiathèque du Plessis ; plus de 60% des gens s’inscrivaient.

Remarque d’Hamid : l’EPN est un espace de sociabilité, avec des pratiques. Les ateliers liés à recherche d’emploi représentent un pourcentage minoritaire de l’activité liée à l’emploi : ça compte le travail en individuel, accompagné, complémentaire des ateliers.

Remarque : dans les médiathèques, on a peut-être un rôle culturel plus large, de réduction de la « fracture numérique ». Si on n’aborde pas les problématiques comme les réseaux sociaux auprès de personnes très éloignées, la fracture va s’aggraver. On n’a pas trop le temps d’aborder ce rôle, il faudrait mettre en place des tutoriels, collaborer pour définir cette mission de l’animateur multimédia.

Remarque de Jonathan : il faut être un peu disponible, ne pas avoir d’urgence sociale pour s’ouvrir à cet environnement culturel élargi.

Remarque d’Hamid : Une personne peut être perméable à une activité culturelle qui peut même ouvrir sur du professionnel.

Remarque de Tamer Elaidi (grand témoin, chargé de mission TIC chez les Petits Débrouillards) : A Evry, l’association a un EPN depuis 5 ans. L’association indépendante, a rejeté les sollicitations de l’ANPE car la recherche d’emploi était minoritaire dans leurs activités. Le Plan local de l’insertion par l’emploi les a approchés pour leurs compétences d’animation. Aujourd’hui ils font de la remobilisation de chômeurs de longue durée via une initiation à l’internet. C’est une acculturation à l’informatique, mais aussi à tous les enjeux qui y sont liés. La formation, ni théorique ni pratique, s’étend sur 4 jours. Aujourd’hui ils accompagnent sur des savoir-faire numériques, mais ne sont pas des accompagnateurs à l’emploi et ils refusent de mettre en place des ateliers de techniques de recherche d’emploi.

Jonathan Landemard - CIDJ – Paris : l’animation d’ateliers pour les animateurs du réseau IJ

Jonathan Landemard est arrivé en 2001 au Centre d’Information et de Documentation Jeunesse (www.cidj.com). Sa mission fut de monter le point Cyb, c’est à dire un label qui permet de créer des espaces multimédia au sein des PIJ.

Le CIDJ a sa particularité, il existe depuis 40 ans et est tête de réseau. Son fonctionnement est différent dans la mesure où les interventions sont moins locales que les PIJ. On n’est pas sur un public local et donc il a fallu monter un catalogue d’ateliers plutôt que des cycles d’ateliers.

Les ateliers du début en 2001 sont classiques : de l’initiation bureautique, retouche d’images et création de sites. Les moyens étaient limités : petit espace dans le hall du CIDJ, 3 postes, un tableau blanc. Le public : adultes à partir de 20 ans des des retraités (peu de très jeunes).
Initialement, il a fallu s’adapter à la configuration des postes : logiciels achetés antérieurement comme Photoshop, qui ont posé le problème de la pratique à la maison. Les ateliers duraient environ 2h30-3h30 environ.

En 2004 : des ateliers innovants ont été proposés à l’occasion du déménagement de l’espace (blogs...).
Rapidement a émergé une demande de travaux pratiques de la part des participants. Il leur a donc été demandé de venir avec un projet de création, et ils furent accompagnés dans une logique d’accompagnement de projets.
Un atelier veille documentaire (notamment les fils RSS) a particulièrement bien fonctionné et a permis de donner un rayonnement aux activités du CIDJ : auquel des journalistes ont participé, d’abord pour leurs besoins propres, mais dont ils se sont ensuite fait l’écho. Ce rayonnement a abouti à un partenariat avec Science et Vie Junior, où le CIDJ est force de proposition d’articles.

De l’animateur au formateur : Le métier d’animateur multimédia tel qu’il l’a vécu a évolué. Le fait de préparer des catalogues d’ateliers lui a beaucoup appris en termes de méthodologie et il a glissé vers la fonction de formateur. Il poursuit la formation des informateurs jeunesse sur l’évolution de l’internet, des ateliers de perfectionnement sur les nouveaux outils.
Partenariats avec la Caisse des Dépôts et Consignations pour lesquels ils ont fait des scénarios d’ateliers, en tant qu’experts d’une méthodologie d’ateliers multimédia. Séquencage et formalisation, et rayonnement auprès du public, dans une démarche davantage professionnelle.
Le CIDJ ne propose plus d’ateliers aujourd’hui, mais s’axe davantage sur de l’accueil individualisé. Il travaille sur les TRE (techniques de recherche d’emploi) avec des collègues informateurs, donc moins sur du multimédia, avec un accueil individualisé sans rendez-vous pour refonte de CV et lettres de motivation. Il partage aujourd’hui son expérience sur les projets multimédia du CIDJ, dont les sites pour le grand public et site pour les professionnels.

Question : en termes de formation, la plus forte demande de formation des informateur jeunesse, c’est quoi ?
Réponse : L’évolution d’internet, les nouveaux outils, mais aussi l’impact de l’évolution d’internet sur les publics. Les ateliers de perfectionnement qu’il propose sont plutôt techniques (création de sites...) Ces informateurs doivent en effet suivre une formation de 17 jours, comportant notamment (mais pas seulement) du multimédia. Ca fait partie du rôle de l’informateur jeunesse. Ca permet de répondre à la question de ce qu’on fait du multimédia et de ce qu’on en fait dans la structure, avec notamment des retours d’expérience.

Question : est-ce que tu peux expliciter la professionnalisation des animateurs et son évolution, les diplômes ?
Réponse : J’ai passé un BEATP technique qualifiant dans le cadre des Points Cyb qui est devenu le brevet BPJEPS brevet professionnel avec des formations réservées aux animateurs multimédia (le BPJEPS TIC est géré par les CREPS) La grande question de fond ces dix dernières années qui revient chez les animateurs, c’est la professionnalisation, la place de l’animateur multimédia, ses attributions...

Jean-Luc rappelle qu’il peut y avoir des reconnaissance de compétences qui peuvent être validées par le CATIC qui est un titre national du Ministère du Travail de niveau 4 pour la validation des compétences qui peut être passé en VAE. Au titre de la formation continue, il y a le BPJEPS TIC que les CREPS dispensent. Après il y a des formations diplômantes, l’intégration d’un master ou même d’une licence pro par la VAE. Il y a des VAE liées spécifiquement à l’information jeunesse avec un pilote actuellement dans la région Rhône-Alpes. Il y a un diplôme d’universitaire qui peut être suivi à distance à Limoges.

Amaury : le CATIC est un diplôme s’adressant aux adultes, qui est géré par l’AFPA et qui s’étend sur plusieurs mois. Ca n’est pas forcément intéressant pour les structures, non pour la professionnalisation des agents mais pour être terrain de stage, dans un cadre d’insertion. Ces personnes sont salariées de l’association dans laquelle elles se trouvent avec une participation (modique) de la part de la structure. C’est bien du tutorat, pas de l’emploi précaire ou de l’animateur pas cher. Le CATIC ouvre sur deux métiers totalement différents : un, très technique, de conseiller et assistant TIC (hotliners...) qui s’orientent ensuite vers les BTS informatique, ou les assistants à la personne ou qui travaillent dans des EPN.

Synthèse du grand témoin : Tamer Elaidi

Tamer Elaidi est chargé de mission TIC au sein de l’association des Petits Débrouillards (www.lespetitsdebrouillards.org), qui est essentiellement connue pour ses animations scientifiques.

A Evry il y a cinq ans, l’association a décidé d’ouvrir un EPN. Entre le métier d’animateur scientifique et le métier d’animateur multimédia, il a fallu du temps de faire le lien : fallait-il faire des animations sur les TIC ou avec les TIC ?
L’espace multimédia se trouve dans un quartier déserté par les centres socio-culturels. Il a fallu du temps pour construire la relation aux ados, puis aux enfants, puis aux adultes, hors d’une pratique de consommation. L’espace continue à faire le lien entre les expériences physiques et les ordinateurs.

Trois points de tension résument les interventions :

 Rendre un outil du quotidien pédagogique : N’importe quel outil peut créer du lien, comme les tournois du jeu Trackmania (faire des circuits soi-même...). Ateliers avec Ma Bimbo (jeu en Flash qui existe depuis 5 ans) avec 100% de filles, ou ateliers sur Habbo Hotel. Ces ateliers ouvrent sur la réflexion sur l’identité basé sur leur savoir-faire des enfants (combien peut-on avoir d’identités sur Habbo Hotel ?).
Les outils pédagogiques tendent à repousser les enfants : creuser les outils de leur quotidien permettrait d’ouvrir des perspectives. Faire en sorte que l’outil permette d’ « apprendre à apprendre à apprendre » : à partir des nouvelles pratiques, que les enfants puissent transmettre eux-mêmes (les enfants qui apprennent à d’autres comment jouer à Dofus, la création de tutoriels...).

 Le lien avec le quotidien : faire se rencontrer les gens (chercheurs d’emploi ou enfants jouant à Dofus qui sont isolés). Quelles subtilités pédagogiques va-t-on utiliser pour qu’ils se rencontrent physiquement et fassent des choses ensemble ? Il se passe déjà des choses sur Internet, différentes de que ce peut être une société où on se rencontre physiquement, mais elles ne sont pas excluantes : comment faire le lien, comme l’interaction entre les ressources du web et les ressources physiques (ressources papier) ? De ce point de vue par exemple, des chasses au trésor incluant les deux sont des pistes intéressantes.

 Les pratiques multipartenariales, avec deux aspects.
Qu’est-ce qu’un animateur multimédia ? Un théoricien, un médiateur, un formateur, un pédagogue, un animateur ? Tous ces métiers-là sont des faces qui sont endossées par les animateurs à différents moments et il faut préciser selon la situation quelle « casquette » on utilise (notamment auprès des élus). Si l’on compare le monde de l’animation avec les métiers de la voiture, l’animateur doit savoir conduire autant une ambulance qu’une formule 1, être mécanicien, formateur d’auto-école... Une diversité de métiers complexe et difficile à intégrer par les employeurs ou le public, d’où la nécessité de préciser.
Quelle est la place de l’EPN au sein du paysage socio-culturel ? A coté de Pôle Emploi, de la médiathèque, de l’espace jeunesse... Quelle spécificité peut-on créer ? L’animateur ne peut couvrir toutes les missions de ces métiers, il faut préciser ce qui est de son ressort et ce qui ne l’est pas.

A quel projet politique les EPN doivent-ils répondre ? L’EPN doit il répondre à une délégation de service public (impôts, accompagnement scolaire...), réduction d’isolement ? Formation de l’esprit critique par rapport à la technique de recherche et de lecture d’information (ce que ne fait pas aujourd’hui l’Education Nationale) à tous les niveaux ? Quel acteur va oeuvrer à la remise en avant de l’esprit critique (en dehors du documentaliste) ? Il y a un vrai projet de société à dessiner collectivement.
On passe aujourd’hui d’une politique d’équipement à une politique d’accompagnement : quel rôle veut-on jouer dans ce projet de socialisation.

Au final, un échange avec la salle se poursuit sur le rôle de l’animateur multimédia (qui relève du code ROM de l’animateur socio-culturel ») et sur le projet de société qu’il doit porter. Le métier d’animateur multimédia est d’autant plus difficile à définir que la formation est souvent de l’auto-formation, que les structures où il exerce sont très différentes, et que ses missions évoluent au fil du temps. D’où des questionnement récurrents et la nécessité d’échanger sur des retours d’expérience concrets.

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